Très bon article je trouve que nous donne à lire Psychologies Magazine (p. 178)… et ce n'est pas seulement parce que votre blog préféré est cité à la fin… ! Merci à Erik Pigani.
Il s'agit d'une interview d'Isabelle Crespelle, psychothérapeute, analyste transactionnelle, cofondatrice de l'Ecole d'AT Paris Île-de-France et, entres autres, auteure d'un récent livre coécrit avec Fanita English.
Elle nous raconte le cas de cette patiente qui, "ne se sentait pas en harmonie avec elle-même, et est venue faire une petite mise au point" en intégrant un groupe de psychothérapie. Au fil des séances, elle a été amenée à évoquer elle-même une thématique personnelle : la violence physique familiale subie petite et qu'elle fait subir à son tour à ses enfants.
Ce qui est intéressant ici c'est l'illustration d'un changement de perspective entre ce qui amène la personne à faire une démarche thérapeutique - ce qu'elle dit lors de la première séance - et ce qu'elle "trouve" en consultation.
On pourrait dire les choses ainsi :
Armelle, puisque c'est ici son surnom, est capitaine d'un bateau qui fait route vers le pôle Nord. Il fait nuit, il est à peu près deux heures du matin. Surtout il fait très froid dans le poste de commandes où elle a été appelée en urgence : droit devant un iceberg qu'il semble difficile d'éviter (toute ressemblance avec un fait réel est purement fortuite).
Non décidément Armelle, qui se sent bien seule alors, ne voit pas comment éviter la collision. Elle appelle son machiniste : "Je confirme, on ne peut plus faire machine arrière, il n'y a qu'une façon de s'en sortir pour vous et pour tout l'équipage, pendant que je fais le maximum pour gagner du temps avant l'impact, il vous faut aller voir de plus près, prenez ces lunettes, une combinaison et "Montréal" ((Ville natale d'Éric Berne)) notre petit robot-turbo ; voyez ce qui se passe là-bas et revenez nous dire".
Consciente de l'enjeu et bravant sa peur, Armelle plonge en compagnie de Montréal dans les eaux noires… Et que découvre-t-elle alors vu d'en dessous à la lumière du spot de Montréal ?
Nul ne le sait. Tout ce que l'on sait c'est que peu de temps avant l'impact, Armelle a pu indiquer un chemin zigzaguant à travers la glace pour le bateau, chemin qu'il était impossible de discerner à distance : ouf !
Ceci étant ce cheminement n'est pas l'apanage des groupes de psychothérapie fonctionnant avec l'analyse transactionnelle, mais de la psychothérapie en général. L'analyse transactionnelle étant un outil bien souvent efficace pour "permettre de décoder notre fonctionnement psychologique en se référant à une grille de lecture" (E. Pigani).
Le dernier paragraphe est également intéressant : "la situation ne s'est pas améliorée tout de suite (…) il arrive que les enfants soient dans une sorte de "manque" de la punition". C'est ce qu'en AT, nous appelons l'économie des signes de reconnaissance. Nous avons chacun notre façon de gérer les signes de reconnaissance envers soi-même et l'environnement (familial, professionnel…) et en changer demande un peu de temps. Ceci étant une relation entre deux personnes étant le fruit d'un "travail" à 50/50, le changement de l'un suffit bien souvent à changer la relation elle-même : "Armelle a du faire face à la provocation de ses enfants et apprendre à remplacer la violence par l'attention et la tendresse. Peu à peu, le climat familial s'est adouci".
Autre élément fort de l'AT présent dans cet article, c'est le contrat. Avec soi-même en effet mais aussi avec son psychothérapeute : chacun donne son consentement pour aller dans une direction, pour atteindre un objectif précis, méthode qui peut être rassurante pour le client. Sachant qu'il est aussi possible de ne pas avoir d'objectif particulier, le contrat autorise ainsi à "partir à l'aventure". Christophe Colomb n'a-t-il pas dit (parait-il !) "On ne va jamais aussi loin que lorsque l'on ne sait pas où on va" ?
Cet article est une bonne illustration et bien entendu ne réduit pas l'analyse transactionnelle à :
- un travail psychothérapeutique. Il y a quatre champs d'application de l'AT. Pour donner une comparaison, ca serait un peu comme réduire le droit au droit pénal.
- un travail psychothérapeutique en groupe, il est également possible de suivre des séances individuelles (ce qui est d'ailleurs signalé).
- un travail psychothérapeutique en groupe permettant de travailler uniquement les cas de violence familiale. Ce n'est qu'un exemple de ce qui peut être évoqué.
Pour terminer je profite de cet espace pour préciser un point théorique. L'auteur indique "Nos transactions sont ainsi observées, analysées et renommées "états du moi"". Effectivement, les transactions, le verbal ou le non verbal que nous échangeons avec un interlocuteur, est un concept essentiel de l'AT, c'est même pour cela que cela s'appelle "analyse transactionnelle". Mais les transactions ne sont pas "renommées" états du moi. Les transactions proviennent d'un état du moi de l'émetteur et s'adressent à un état du moi de l'interlocuteur. Les états du moi sont un autre concept, une autre porte d'entrée pour étudier notre fonctionnement.
Un dernier mot sur la photo d'en-tête qui n'a rien à voir avec l'AT ou la psychothérapie : non il ne s'agit pas de venir tous habillés en blanc et de s'asseoir par terre sur des coussins de couleur !… Mais si vous le voulez, vous le pouvez aussi !
Lire l'article ou aller sur le site de Psychologies.