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L'horreur relationnelle

Fantôme seul
Fantôme seul
Bien sûr il y a le contenu : les accusations d'espionnage et de corruption de Renault sur trois cadres, un licenciement pour faute lourde en vue, une mise à pied conservatoire immédiate. Nous savons également la suite de l'histoire : des actes constitutifs d'espionnage inexistants, les cadres réintégrés avec dommages et intérêts trois mois plus tard et le directeur juridique ainsi que son supérieur licenciés, ce qui donne une gravité particulière à la scène dont nous sommes, je ne sais par quels moyens, les témoins. Mais, quoi qu'il en soit, la manière dont le directeur juridique (Christian) reçoit le cadre en question (Matthieu) et conduit l'entretien est pour moi l'exemple d'une véritable horreur relationnelle.
Vous pourrez écouter cet enregistrement sur le site de l'Express ou, à défaut, lire la retranscription intégrale ici (des mots seulement cependant, non du para-verbal et de l'ambiance générale).
Nous avons ainsi un directeur pour lequel les rituels, même ici, sont importants :
Christian : Salut Matthieu.
Matthieu : Comment vas-tu ?
C. H : : Installe-toi. A cette époque de l'année, on se souhaite les vœux !
Et à la fin :
C. H : Tu vas aller à ton bureau chercher tes affaires discrètement sans souhaiter les vœux à tes collègues. Salut Matthieu !
Le fond est abordé ensuite directement et la suite relève plus d'un interrogatoire kafkaïen que d'un entretien professionnel :
M. T.: Je ne vois pas ce que je …
C. H.: Si, tu vois, Matthieu. On sait, on sait.
M. T.: J'ai rien à voir…
C. H.: C'est normal, tu me la joues "le suspect de chez le commissaire Moulin qui nie tout", c'est normal.
M. T.: Je ne te la joue pas…
C. H.: Matthieu, nous savons…
M. T.: Mais vous savez quoi ?
C. H.: Nous savons.
M. T.: Je ne vois pas ce que vous pouvez savoir ? Pour la voie dure, vous pouvez checker tout ce que vous voulez… Mais sur mes comptes, vous avez vu quelque chose ?
C. H.: Nous savons. Entre maintenant et le 11 janvier, tu vas bien réfléchir.
Du haut de cette posture perverse le directeur juridique utilise d'autres formules de nature à "serrer un peu plus le næud coulant" :
C. H. : sinon, tu atterris dans un peu plus de réalité et de discernement, voire de panache au nom de ta capitalisation d'expérience dans cette entreprise et des espoirs que ta hiérarchie avait mis en toi, et tu choisis la démission. On oubliera tout et on en restera là.
Ce qui, du point de vue juridique, est par ailleurs faux : ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de constitution de partie civile qu'un procureur ne va pas poursuivre une personne suspectée d'espionnage industriel, surtout chez Renault. Mais bon…
Le tout ponctué de petits rires :
C. H. : Pour te dire d'une manière transparente : la réaction de l'entreprise à ton égard risque d'être inversement proportionnelle aux espoirs que ta hiérarchie avait mis en toi, HAHA, et le compliance officier que je suis laissera ta hiérarchie aller au bout de la déception qui est inversement proportionnelle aux espoirs que l'on avait mis en toi.
Si Christian se comporte de cette façon c'est sans doute parce qu'il est persuadé que Matthieu est coupable. Il est passé de la probabilité à la certitude (alors qu'une enquête interne a été menée mais non contradictoire, le responsable interne de l'enquête est lui-même aujourd'hui mis en examen pour détournement…). Voici une belle illustration de la position de vie +/-. On pourra ici relire utilement l'article Les Piliers de la déshumanisation.
Voici un autre canevas plausible d'entretien dans lequel le responsable n'est pas dans une relation de pouvoir :
- Bonjour Matthieu, entre j'ai des choses graves à te dire.
- Bonjour, que se passe t-il ?
- Voilà, nous croyons que tu (exposé des faits). C'est la raison pour laquelle, en attendant que la justice examine ce qui s'est passé, nous ne pouvons pas te garder parmi nous.
- Mais je ne comprends pas ? Qu'est-ce que tu me racontes ?
- Écoute, je ne peux pas te donner plus d'informations (j'imagine que c'est le cas). Ce que nous croyons c'est que (rappel des faits). Pour ma part je ne suis ni juge ni policier, mais directeur juridique. Je comprends que tu aies plein de questions mais je ne suis pas en mesure d'y répondre. Je suis là pour t'informer de la procédure que nous prenons à ton encontre et de te dire comment cela va se passer : le 11 janvier tu as rendez-vous chez (le n+1) pour un entretien etc.
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