Qu’en est-il de nos compétences naturelles ?
Elles se construisent au fil de notre enfance, et nous les utilisons de manière plus ou moins appropriées au contexte, en fonction de notre faculté d’adaptation et de nos réponses au stress. Certaines de nos réactions aux situations que nous traversons, certains de nos comportements sont adaptés et d’autres non.

Dans le premier article, intitulé : « De la dépendance à l’autonomie au cours de nos apprentissages d’enfance », nous avons exploré comment se constituent les éléments de notre personnalité, au fil de nos apprentissages d’enfance.

Dans ce deuxième article, nous allons regarder en quoi ces étapes d’apprentissage constituent la structure de notre personnalité, ses bases, sous forme de ce que l’on nomme les huit structures de personnalité, avec chacune ses atouts et ses difficultés, ses qualités et ses défauts.

Dans un troisième article, nous explorerons comment connecter, utiliser au mieux et valoriser nos huit structures de personnalité, issues de nos apprentissages, en les transmutant en talents et compétences acquises, avec souplesse, joie et discernement.

Les notions qui sont abordées ici sont issues des enseignements de l’Analyse transactionnelle, de la Psychosocionomie, élaborée en particulier par Georges Escribano, psychanalyste et E-TSTA, professeur à l’École d’Analyse transactionnelle de Paris (EAT), et de la Process communication élaborée par Taibi Kahler, ancien collaborateur d’Éric Berne.

Intégrées dans les 3 phases de développement que nous avons abordées dans le 1^er article, nous allons maintenant détailler chacune des huit structures de personnalité, qui font le socle de qui nous sommes.

Nous allons les aborder sous des angles différents, de l’aspect pathologique aux talents en passant par les manifestations sous stress, tout en sachant que la carte n’est pas le territoire, et que chacun de nous possède à des degrés divers les qualités et les défauts de chacune de ces huit structures de personnalité, puisqu’elles se développent au fur et à mesure des apprentissages de notre développement psycho-affectif.

Mais généralement, chacun possède une structure de personnalité de base, dans laquelle il se réfugie, pour s’y régénérer. Quand ses besoins sont globalement satisfaits, son fonctionnement est fluide et la personne est en capacité de manifester et de développer ses talents. C’est le côté face d’une pièce de monnaie. En situation de stress, elle développe ses défenses, se crispe et montre alors les défauts de ses qualités, qui ne sont que des qualités poussées à leur extrême. C’est le côté pile de la pièce de monnaie.

Et, quand les traumatismes n’ont pas été résolus, que les besoins psychologiques vitaux sont loin d’être satisfaits, la personne manifeste alors des comportements pathologiques, décrits sous les termes barbares de la psychiatrie.
La question à se poser est donc : « où se trouve le curseur ? » Et s’il est du côté des manifestations de stress et des défauts, quels sont les besoins qui ne sont pas satisfaits ?

Les termes présentés ici sont ceux utilisés dans les différents champs de la psychologie, même si les termes de la pathologie font peur…  Je les ai conservés, car il peut arriver que, dans votre environnement, vous croisiez des gens assez malades, et il est important de ne pas augmenter la pression interne qui est la leur, par des interactions sociales inadéquates. Cependant, nous allons nous concentrer sur les talents et les manifestations de stress.

Il n’y a pas de bonne ni de mauvaise structure de personnalité en soi. Chacune a des talents et les défauts de ses talents, plus ou moins enviés, acceptables et supportables par les autres. Tout dépend de la perception de l’autre. C’est pourquoi, dans un groupe constitué, il est judicieux de penser à en diversifier les talents, ce qui l’enrichit et facilite sa progression, plutôt que d’agir par cooptation, -ce qui est une tendance naturelle- et de se contenter de s’entourer de personnes qui nous ressemblent.

En Process Communication, les structures de personnalité Border line/Passionné et Narcissique/Leader n’ont pas été étudiées.

Nous avons vu que, au travers de nos expériences d’apprentissage au cours de notre enfance, nous avons traversé les trois phases de développement et gravi les montagnes plus ou moins difficiles à gravir du stade du miroir, du stade du pot et de l’œdipe.

Pour filer la métaphore, nous pouvons dire que le stade du miroir est une colline de paysage toscan, le stade du pot s’apparente aux Alpes, et que le stade de l’Œdipe est, quant à lui, aussi infranchissable que les contreforts de l’Himalaya. Ce qui veut dire que, devant cette muraille, qu’il ne peut franchir avec les seules ressources qu’il possède à son jeune âge, l’enfant est contraint de se replier en arrière, comme les armées de Napoléon pendant la campagne de Russie. Il revient se fixer, il se replie sur son camp de base, c'est-à-dire à l’endroit où il a laissé le plus de matériel, le plus de souvenirs, le plus d’énergies positives. C’est sa base de repli, de confort. Et c’est ce qui va constituer sa base de personnalité tout au long de sa vie, dans laquelle il va se replier en cas de stress, pour y retrouver de l’énergie et rassembler ses forces.

Mais tout au long de son périple de la dépendance vers l’autonomie, il a engrammé à chaque étape des expériences de vie plus ou moins nourrissantes, plus ou moins satisfaisantes qui lui permettent également de se ressourcer quand il se replonge dans ses souvenirs. C’est ce qui fait que nous gardons en nous des traits de caractère, des attitudes et des comportements qui appartiennent aux huit structures de personnalité.  

Nous avons donc en nous un peu des huit structures de personnalité, à des degrés divers. Une métaphore utilisée en Process communication permet de comprendre la manière dont nos huit structures de personnalité s’organisent entre elles.
Imaginons un immeuble en construction. Le rez-de-chaussée est tout à fait aménagé, et l’on peut y visiter l’appartement témoin qui est équipé de tout le confort moderne. On pourrait déjà s’y installer, avec la télévision, les placards et la cuisine aménagée, etc. C’est la zone de repli, de confort, la structure de base de notre personnalité. Avec 100% de niveau énergétique disponible. Nous y sommes à notre aise, en capacité de développer tous nos talents potentiels et matérialisés.

Et puis, au fur et à mesure que nous montons dans les étages, le niveau d’achèvement des travaux laisse à désirer.

C’est ainsi que nous allons construire notre propre immeuble énergétique, en disposant les 8 structures de personnalité à chaque étage, selon nos expériences de vie. Par exemple, pour l’un, le rez-de-chaussée sera la structure de personnalité Créative, et le dernier étage la structure de personnalité Audacieuse, alors que pour un autre, le rez-de-chaussée sera la structure de personnalité Persistante et le 8^e étage sera la structure de personnalité Sociale.

Voici un exemple d’immeuble de 6 étages de la Process Communication, compte tenu du fait que 2 structures de personnalité sur les 8 n’y ont pas été étudiées. 

La structure de personnalité Méditative a une grande richesse de vie intérieure, d’intuition et une excellente capacité de repli. Il ne se laisse pas entamer par la fébrilité des autres et sait garder son quant-à-soi, libre et vagabond. Il s’échappe, il rêvasse.

Pour lui, le temps a peu d’importance, et il peut donc se livrer à des travaux d’envergure sans se lasser. Souvent silencieux, il est apprécié pour sa capacité d’écoute et sa profondeur de vue. Pour produire une activité efficace, il a besoin de cadre, de temps et de structure. Sous stress, il se retire dans sa grotte pour se faire oublier. C’est là qu’il régénère ses énergies. Il suffit d’attendre qu’il soit prêt à en sortir.

Elle est particulièrement douée pour la stratégie. Elle sait voir loin et comme au jeu d’échec ou au poker, anticipe plusieurs coups d’avance. C’est une personne prudente, qui déteste l’imprévu ou être prise en défaut ; elle n’agit donc qu’après mûre réflexion et tâte la solidité du terrain avant de s’y aventurer. Elle sait également se créer des relations utiles et précieuses, afin de ne pas se retrouver seul à affronter l’adversité. Très attaché aux valeurs, il est fiable et respectueux des lois : on peut compter sur lui. Il a besoin d’être reconnu et respecté pour ses valeurs et ses opinions.
Sous stress, il cesse de faire confiance aux autres et se met à pointer leurs défauts. Il s’imagine qu’on complote dans son dos.

Il n’a peur de rien. Tout l’excite et la vie est un jeu, il adore ça. Il aime les défis, a confiance en ses propres ressources et se sent invincible. Il se sent capable de remuer des montagnes et il le fait. De nombreux projets jaillissent de son cerveau fertile, et il a l’énergie et la capacité de les faire exister. Plein de charme, il sait séduire les autres et les entraîner dans ses projets. Pour lui, la vie c’est l’action.

Même s’il vit des hauts et des bas, il a suffisamment confiance en la vie et en sa bonne fortune pour, quand il est en bas, attendre la vague de surf pour remonter. Il saisit d’instinct les opportunités. Les arguties légales et administratives l’agacent et l’ennuient et il est pour les décisions rapides et musclées. Il a besoin d’excitation, pour se sentir vivant.

Sous stress, il se révolte de l’incompétence des autres, et ne supporte pas qu’ils soient dépendants de lui : « qu’ils se débrouillent », dit-il. Il peut aussi les manipuler pour les amener à ce qu’il attend d’eux.

Il est souvent intelligent, car il acquiert vite une vision globale de la situation. Il sait trouver des objectifs fédérateurs qui rassemblent l’énergie et la compétence des autres autour de lui. C’est un chef né, en qui on a confiance et pour qui on consacre volontiers du temps, du travail et de l’énergie. Il est à l’aise dans les organes de décision, les réunions sans fin, et sait y trouver sa place et les arguments pour défendre ses projets. Il sait composer et négocier. Il comprend les enjeux des uns et des autres et sait naviguer dans des univers différents, car il se sent à sa place partout. Il aime les honneurs et éprouve du plaisir à jouer des rôles sociaux complexes.

Sous stress, il a tendance à monopoliser la parole et à s’écouter parler. Il se sent mal compris, et blâme les autres pour leur piètre prestation, qui lui fait honte.

Il adore et déteste les choses et les gens en très peu de temps. C’est une montagne russe émotionnelle. Il ressent les émotions, les siennes et celles des autres, avec beaucoup de résonnance. Plein d’élan, il se jette à corps perdu dans des projets qui l’enthousiasment et ne compte ni son temps, ni son argent, ni son énergie. Il est profondément généreux, et cherche souvent à aider les autres. Il a une grande capacité d’écoute et d’empathie et est précieux pour régler des problèmes relationnels.

Sous stress, il est malheureux, se sent incompris et en veut à la terre entière. Si l’on n’y prend pas garde, il peut entrer dans des épisodes dépressifs qui lui prennent beaucoup d’énergie.

Il a besoin de s’amuser dans la vie, sinon il dépérit. En pleine possession de ses moyens, il est capable de trouver des solutions originales aux problèmes les plus récurrents, et de faire rire les autres avec un rien. C’est un feu follet, prêt à rire de tout pour alléger l’ambiance.

Il trouve ses idées, qu’il a à foison, en réaction à des stimuli émanant des autres, car il a besoin de rebondir ; c’est pourquoi on l’entend souvent dire : « oui mais… », qui n’est pas à ses yeux une critique, mais un point d’appui pour continuer à réfléchir. Il a besoin de contacts pour se stimuler.

Il agace parfois les autres par sa légèreté que l’on taxe de superficialité, ce qui est loin d’être le cas. Il sait voir les points faibles des projets les mieux ficelés, et est donc précieux pour éviter d’aller droit dans le mur.
Sous stress, il éprouve un sentiment d’injustice, car il se sent exclu, et se met en retour à blâmer les autres, en les traitant d’incapables.

C’est un organisateur et administrateur précieux. Il a le don de l’ordre et de la méthode et prend plaisir à faire place nette. Contrairement au Créatif qui est à l’aise, comme Gaston Lagaffe, dans un désordre indescriptible dans lequel il est le seul à se retrouver, lui a besoin d’un bureau vide et net pour réfléchir et organiser ses pensées. Hercule Poireau est le prototype du Méthodique, qui a une place pour chaque chose et qui met chaque chose à sa place, afin de recréer l’ordre du monde. Il a besoin d’être reconnu pour la qualité de son travail.

Sous stress, il se met à revérifier vingt fois la même chose, par peur d’avoir oublié, et à pinailler sur des points de détail. Il souhaite en effet que tout soit parfait, sans voir que c’est un souhait irréaliste.

Il se nourrit de l’interaction avec les autres, à l’opposé du méditatif qui se ressource seul dans sa grotte. Il a besoin d’échanger, de discuter, de refaire le monde avec les autres à la pause-café. Il déteste les conflits et est prêt à mettre beaucoup d’énergie pour apaiser les combattants. Très généreux, il aime faire plaisir aux autres et il est le roi du compromis. Il respecte l’opinion des autres et en retire toujours quelques bénéfices pour tous. Pour s’épanouir, il a besoin d’une atmosphère paisible et d’un environnement agréable : des tableaux, des plantes, de la verdure et du soleil, et la photo de ses proches sur son bureau. Il a besoin d’être reconnu en tant que personne.

Sous stress, il fait des erreurs, se sent rejeté, et a peur de ne plus être aimé.
 
Ces caractéristiques sont dessinées à grands traits, bien sûr. Mais elles donnent des pistes qui permettent ensuite d’approfondir la richesse et la diversité des personnalités au sein d’un groupe.

Dans le prochain article, nous verrons comment rééquilibrer notre énergie psychique en développant les qualités des étages où nous sommes le moins à l’aise. 

• Gérard Collignon, Comment leur dire... La Process Communication, InterÉditions, 2010
• Georges Escribano, Analyse transactionnelle et psychologie clinique, Psicom, 2000.
• Jérôme Lefeuvre, La Process Communication : Se comprendre pour comprendre les autres, InterÉditions, 2020
• Pamela Levin, Les Cycles de l'identité, InterÉditions, 1994.
• Marielle de Miribel, « Chapitre 12. Du stress aux talents selon les personnalités », in Diriger une bibliothèque : Un nouveau leadership, Éditions du Cercle de la Librairie, 2016.