Les 3 portes de la Communication dans le déroulement de la Structuration du Temps

Un concept très utile, simple et pragmatique à mon sens, en Analyse transactionnelle, pour comprendre certains blocages dans la communication relationnelle est le concept des trois portes de la communication décrit par Paul Ware[1].

[1] Paul Ware, « Types de personnalité et plan de traitement », Les Classiques en Analyse transactionnelle, Vol. 3, pp. 264-273.
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Vous êtes invité un soir chez des amis…
Je vous invite à un petit exercice d’imagination, pour bien comprendre le sel de l’histoire :
Imaginez que vous êtes invité, un soir, chez des amis. Vous vous êtes apprêté, enchanté de cette soirée en perspective, et vous arrivez avec votre bouquet de fleurs à la main. Vous sonnez à la porte.
On vous crie de l’intérieur : « entre, c’est ouvert ! »
Vous poussez donc la porte, et vous entrez… directement dans la chambre.
Que se passe-t-il pour vous ?
Prenez un instant pour ressentir vraiment ce qui se passerait pour vous dans une telle situation…
 
Que ressentiriez-vous ? De la surprise, de la peur, de la colère, du rire, de l’inquiétude… Vous sentez-vous étonné, surpris, interloqué, choqué, gêné, scandalisé ?
Que vous dites-vous ? « Qu’est-ce qui se passe ? C’est comme ça que je suis accueilli ? Quel toupet ? Mais où est-il ? C’est quoi la suite ? Où je vais ? Est-ce que je me suis trompé de jour ? Est-ce qu’il attend quelqu’un d’autre ?
Qu’avez-vous envie de faire ? « J’ai envie de repartir… J’attends, je ne bouge pas… », etc.
Pensées, sentiments, comportements. Chacun réagira de manière différente selon les circonstances, son état d’esprit et son humeur : selon son cadre de référence[2].

[2] Voir aussi un autre article du même auteur sur le blog : « Cadre de référence, vision du monde : un univers en soi ».

Dérouler la Structuration du Temps : un ordre raisonné de la Communication

Vous seriez, j’imagine, au moins surpris par un tel accueil, qui ne correspond pas aux usages de la culture occidentale actuelle. À moins que votre ami ne loge dans une chambre de bonne ou un studio, ce qui modifie les usages en cours dans la réception de ses amis et connaissances. 
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1. Entrer dans un vestibule 

Mais dans un appartement ou une maison de taille raisonnable, vous vous attendez certainement, c’est l’usage, à entrer dans un vestibule, où la personne qui vous invite vous accueille, vous remercie -« merci beaucoup ! J’adore les fleurs ! Mais il ne fallait vraiment pas !… », et vous invite à vous débarrasser de votre manteau, de votre parapluie, de votre sac, de vos paquets, etc.

2. S'installer au salon

Une fois ces formalités accomplies, -le passage du retrait au rituel culturel, selon le déroulement ordinaire de la structuration du temps[3]-, votre ami vous invite à passer au salon ou à la salle de séjour.
Là, on vous invite à vous asseoir, sur une chaise, un fauteuil, ou le canapé, et l’on vous offre l’apéritif en commençant à discuter des nouvelles du jour : le passe-temps.
Puis, dans la soirée, au cours du repas, vous allez peut-être passer insensiblement à des discussions plus sérieuses, plus approfondies, plus personnelles, et aborder les rivages de l’activité, du jeu psychologique ou de l’intimité, selon les circonstances.

[3] Éric Berne, Des jeux et des hommes, Stock, 1984. 

3. Finir (éventuellement la soirée dans la chambre

Peut-être avez-vous vu le film d’Éric Rohmer, Ma nuit chez Maud, sorti en 1969, dans lequel Jean-Louis Trintignant passe la soirée à discuter de sujets philosophiques comme Blaise Pascal, la morale, le mariage, la religion, etc., avec une jeune femme brune, Maud, dont il vient de faire la connaissance ? Pour finir, la jeune femme avec qui il se trouve en tête-à-tête, lui propose de dormir dans la chambre d’amis, invitation qu’il décline. Sauf qu’il n’y a pas de chambre d’amis… La chambre, le lieu traditionnel de l’échange dans l’intimité.

II s’agit dans la communication interpersonnelle, de passer insensiblement et harmonieusement du retrait à l’intimité, en déroulant, selon l’expression de Fanita English, les six modes de la structuration du temps. 

Pensée, Sentiment, Comportement

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Pensée, sentiment, comportement : les trois ingrédients de chaque État du Moi, selon une des définitions qu’en donne Éric Berne : « Un état du moi est un système (ensemble) cohérent de pensées et de sentiments, directement associés à un ensemble correspondant de comportements. »[4] 

Pensée, sentiment et comportement sont intimement liés dans chaque État du Moi, et s’influencent mutuellement, instantanément, de manière consciente ou inconsciente, selon notre niveau de conscience. Ils sont également en lien étroit avec les éléments de notre cadre de référence, pour filtrer la réalité qui se présente à nous.
[4] Éric Berne, Principes de traitement psychothérapeutique en groupe, § 10, Éd. d'AT, 2006.


Porte d'entrée, porte visée, porte piégée

Paul Ware, dans son article, fait le lien entre les pensées, les sentiments et les comportements, et les différents stades de la communication, du retrait à l’intimité, dans ce qu’il appelle un processus en trois phases : porte d’entrée de la communication, porte visée et porte piégée. 
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La porte d'entrée : l'entrée en communication

La porte d’entrée est le vestibule de la communication. Une entrée en matière ritualisée, pour passer du retrait au rituel selon les codes sociaux en vigueur. Par exemple, selon les régions en France et en Francophonie, on se salue avec une bise, deux bises, trois bises, quatre bises, une poignée de main, une danse des poings chers aux ados, un salut du chapeau, ou encore une simple inclinaison de tête, sans se toucher. Une simple bise d’au-revoir, au Danemark, est perçue par l’autre comme une invitation explicite à des ébats sexuels… 

Et selon les structures de personnalité, les uns vont entrer en communication par le mode du sentiment, d’autres par le mode de la pensée, et d’autres par le mode du comportement. « Bonjour, comment allez-vous aujourd'hui ? » [Sentiment]

 Bonjour Cécile ! J’ai pensé à un truc… » [Pensée] « Salut ! Vous faites quoi ce soir ? » [Comportement]

La porte visée = les échanges

Une fois que les rituels d’entrée en communication sont accomplis de manière satisfaisante pour les deux parties, on peut, si chacun le souhaite, passer au mode de structuration suivant : le passe-temps. Et là, nous allons échanger des nouvelles, bavarder, potiner agréablement, dans une conversation fluide et légère, sans conséquences relationnelles impliquantes, ni jeux psychologiques.
Tiens, j’ai bien envie d’aller au cinéma ce soir ; ça te dit le denier film de… ? » [Sentiment]
« Tiens, j’ai pensé qu’on pourrait aller au cinéma ce soir : j’ai lu une critique intéressante du dernier film de… » [Pensée]
« Tu serais ok pour un ciné ce soir ? Allez, je t’invite ! » [Comportement]

La porte piégée = l'intimité

Une fois que la communication est bien engagée, les discussions sont plus animées. On partage, on travaille ensemble, on se dispute, on joue de manière plus ou moins subtile à des jeux psychologiques, comme Sans toi, dans la vie de couple, ou Oui mais, dans toutes sortes d’occasions professionnelles, familiales, amicales, conjugales… Où chacun se dévoile à l’autre dans ses ombres et ses lumières.
« Tu m’avais dit qu’on irait au cinéma ce soir ! » [Comportement]
« J’en ai marre que tu ne tiennes jamais tes promesses ! » [Sentiment]
« J’ai l’impression (= je pense) que tu n’as aucune idée des contraintes que je dois supporter ! » [Pensée]
Pourquoi l’appelle-t-on porte piégée ? Parce que c’est la porte de l’intimité, dans laquelle on n’entre pas d’emblée, sans un déroulement harmonieux de la structuration du temps. 

Chacun sa séquence personnelle de combinaison des 3 éléments : P-S-C

Alors, que se passe-t-il dans la vie ordinaire ? Selon Paul Ware et l’expérience que l’on peut en avoir, chacun de nous a une séquence particulière, une combinaison personnelle de ces trois éléments internes aux États du Moi : la porte de la pensée, de la réflexion, des valeurs et des opinions ; la porte des sentiments, des intuitions, émotions et ressentis ;  et la porte du comportement, de l’action et de la parole. Chacun va combiner ces trois portes selon une séquence qui lui est propre.
Pour l’un, cela peut être : 
Pensée (porte d’entrée) => Sentiment (porte visée) => Comportement (porte piégée)
Pour un autre :
Sentiment (porte d’entrée)=> Pensée (porte visée) => Comportement (porte piégée)
Et encore pour un autre :
Comportement (porte d’entrée) => Pensée (porte visée) => Sentiment (porte piégée)
Etc.

Les conflits de porte ou de canal de communication

Or, que se passe-t-il pour vous si, alors que vous vous attendez à entrer en communication avec l’autre, en passant du retrait au rituel, celui-ci n’entre pas dans ce qui est pour vous la porte d’entrée, le vestibule, mais vous fait entrer directement, dans ce qui est pour vous la salle de séjour, ou pire, la chambre, d’entrée de jeu ? Si, au lieu de s’adresser à vous sur le mode de la pensée, qui est votre porte d’entrée à vous, par exemple, votre vestibule communicationnel, il vous fait entrer par le comportement, qui est pour vous la porte piégée, celle qui est pour vous la porte de l’intimité ?
Ce contraste brutal coupe la communication, et c’est alors une autre porte qui peut s’ouvrir : celle de la mé-communication, de la mésentente, des malentendus et des conflits. 

Tableau des portes de la communication selon les structures de personnalité

Voici un tableau de la séquence des trois portes de la communication selon les 8 structures de personnalité, d’après la Psychosocionomie et Georges Escribano.
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La question Joker

Pour éviter les pièges liés aux erreurs de perception de la porte d’entrée de votre interlocuteur, voici une question magique, que pose systématiquement Georges Escribano dans ses ateliers : « qu’est-ce qui se passe pour vous ? » ou « comment cela s’est-il passé pour vous ? », question neutre, qui permet à l’interlocuteur d’avancer sa propre porte d’entrée, correspondant à sa structure perceptive. 

Pour en savoir plus 

Paul Ware, « Types de personnalité et plan thérapeutique », Actualités en Analyse transactionnelle, n°28, octobre 1983, pp.156-165 ; Les Classiques de l’Analyse transactionnelle, Vol. 4, pp. 264-273.
Éric Berne, Des jeux et des hommes, Stock, 1984.
Éric Berne, Principes de traitement psychothérapeutique en groupe, § 10, Éditions d'Analyse Transactionnelle, 2006.
Éric Rohmer, auteur et réalisateur du film Ma nuit chez Maud, 1969, 4e volet des Six contes moraux du réalisateur.
Georges Escribano, Analyse transactionnelle et psychologie clinique, Psicom, 2000 ; 2e ed : www.psychosocionomie.com, 2016.
Álex Rovira et Georges Escribano, El Beneficio, Plataforma Actual, 2019

Marielle De Miribel
P.T.S.T.A. Organisation 
Formatrice Certifiée en P.C.M. et P.S.N.

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