l'Analyse Transactionnelle comme ressource en situation de confinement

AT comme ressource

A l’invitation d’un collègue, la situation de confinement à la lumière de l’A.T. 

Quand je me suis posé la question, j’ai tout de suite pensé aux besoins fondamentaux :  de stimulations, de signes de reconnaissance, de structure et de position. 

Etre confiné seul ou à plusieurs dans son espace privé, c’est être empêché d’avoir accès aux moyens de satisfaire un grand nombre de besoins.
J’aborde dans une série de billets les réflexions que m’inspirent la situation et je commence par le besoin de structure et les trois éléments : espace, temps et groupe, puis le besoin de stimulations et de signes de reconnaissance, ainsi que le besoin de position. Le besoin de structure concerne l’espace, le temps et le groupe.

L’espace

La construction de l’espace pour chacun se fait à partir de la naissance depuis le berceau, la poussette, la chambre d’ado, puis le logis des jeunes adultes et enfin l’appartement ou la maison où vit toute une famille. A l’extérieur l’espace est plus ou moins autorisé, limité pour certains et moins pour d’autres : les garçons vivent plus souvent à l’extérieur dans des groupes de copains; les filles sont plus facilement maintenues à la maison. 
Les préceptes culturels le déterminent. Les adultes que nous sommes distinguent généralement l’espace public (et pour certains c’est le vaste monde!) et l’espace privé, ce dernier étant considéré comme devant être protégé des intrusions de l’extérieur, vécues comme des menaces. Nos comportements diffèrent selon que nous sommes dans l’espace public ou privé. 

Dans l’abri de notre foyer nous nous sentons plus libres, à l’extérieur nous sommes plus contraints plus policés. Avec le confinement que devient le contrôle social ? Les proches risquent de pâtir de nos accès d’humeur.

En quoi le confinement nous perturbe-t-il ? Il supprime l’espace public ou du moins tout ce qui s’y faisait doit désormais tenir dans l’espace privé, y compris les parties de ballon avec les enfants, et tout ce qui est à extérieur devient menaçant. C’est la forêt des contes, lieu de vie, d’activités mais aussi de dangers redoutables. Avec le virus, c’est comme à la guerre, l’ennemi est là, dehors et il peut entrer.

Déjà les activités professionnelles étaient entrées dans le foyer avec l’ordinateur et le travail à distance, mais là, c’est tout l’espace privé qui se trouve occupé par des activités qui se faisaient jusque là à l’extérieur. C’est le repli obligatoire.

Il va falloir structurer cet espace pour des activités qui n’étaient pas prévues pour lui. En temps de catastrophe, les salles de sport deviennent des dortoirs et en Espagne, les patinoires sont devenues des annexes de la morgue. En temps d’épidémie, il faut rester chez soi. 
Il va nous falloir gérer la peur, une peur justifiée et alimentée par ceux qui ont la parole officiellement et qui peinent à trouver le juste équilibre entre information et sensation. 
Il va falloir gérer aussi la colère née de la frustration et gérer l’ennui. Certains de nous y sont mieux préparés car ils ont l’habitude de vivre seuls et s’occupent plus facilement. Mais le confinement qui est une contrainte réveille toutes sortes d’émotions angoisse et colères qui mettent fin à la fonction d’apaisement qu’assure habituellement le foyer. Il va falloir créer dans la maison des espaces dédiés à certaines activités, à certains moments. 

Ce que l’AT nous apprend, c’est l’importance de structurer l’espace, la diversité des manières de le faire. Le but est de laisser à chacun une place suffisamment importante. Au revoir les amis, à demain !

Le temps et le groupe
Les six manières de structurer son temps ont chacune une place dans le groupe des personnes confinées. Mais selon la dimension du groupe elles s’avèreront plus ou moins utiles.
Pour une personne seule, le retrait est imposé, donc mal vécu. Dans un couple, comme il est difficile de vivre sans cesse sous le regard de l’autre, des moments d’isolement sont essentiels. A plus forte raison dans les groupes à partir de trois. On ne peut pas toujours se réfugier dans les toilettes quand on a besoin de tranquillité !

Les rituels sont essentiels. Ce sont eux qui nous relient au passé et à l’avenir : comment on procède le matin au lever, ce qu’on prend au petit déjeuner (je ne fais rien avant d’avoir bu mon café !), comment on se dit bonjour ou bonsoir. 

Même chose pour l’activité. Chaque fois qu’on peut conserver ses rites, ses manies, c’est bien. En revanche les règles de mise à distance sont dures à suivre et à vivre : ne plus se faire la bise par exemple.

Le passe-temps est utile. C’est un automatisme de la conversation plutôt reposant. On n’a pas toujours envie de « se prendre la tête » comme disent les jeunes. Les conversations sérieuses peuvent laisser la place au bavardage.

Avec le travail et l’école à la maison, l’activité tient une grande place. Trop de place ? 
Professionnelle, elle exige un espace de travail contractualisé. Pensez à ce dessin humoristique que vous avez peut-être vu. Il représente la mère de famille au travail sur son ordinateur. Son mari et ses deux ados sont couchés au sol, muselés et ficelés pour ne pas la déranger. 
Le commentaire : Deuxième journée de télétravail. Tout se passe à merveille ! 

Reste l’activité pédagogique, source potentielle de conflits : les parents découvrent assez vite que l’enseignement est un métier exigeant et difficile ! 

Dernier point : l’entretien de la maison d’autant plus nécessaire que l’on y vit à temps complet. Ceux et celles qui ne font jamais le ménage découvrent ses joies.

On pourrait penser que le temps passé au foyer par les membres de la famille permettrait d’approfondir les liens et de favoriser les moments d’intimité. Ce n’est pas forcément le cas. Au sens de proximité affective et de gestes tendres, elle est contrariée souvent par le regard des autres membres du groupe jaloux, moqueurs ou gênés. 

A plus forte raison l’intimité sexuelle. Car si l’on prévoit un afflux de naissances dans neuf mois, c’est qu’on imagine bien que l’activité sexuelle continue malgré la présence du virus. L’intimité est donc contrariée par les conditions du confinement, comme le retrait. Il est difficile de s’isoler. Dans un couple, il n’est plus si facile de ne pas consentir. Il reste les partages d’intimité dans le groupe entier. Je pense aux films familiaux tournés dans l’enfance que l’on regarde 25 ans après, au plat favori que l’on déguste ensemble, aux fous rires.

Pour éviter l’intimité, on aura sans doute la tentation de se laisser aller à ses vieux démons et de s’adonner à ses jeux psychologiques favoris. Pour l’éviter, on aura plus que jamais besoin d’appliquer ce qu’on a appris à faire pour rester positif dans la vie. Bonne occasion de s’entraîner à huit clos à appliquer la régulation de groupe et la négociation. Les jeux ludiques sont aussi une ressource importante ainsi que la lecture et le visionnement de films dont on se plaît à discuter ensuite. 

Que veut le peuple ? Du pain et des jeux disaient les romains. Les jeux ne manquent pas à notre époque pour ceux qui les apprécient.
Le monde extérieur cesse d’être une ressource ordinaire, provisoirement. En revanche il continue de nous apporter les derniers contacts extérieurs, avec le téléphone, les télé-réunions, les échanges avec nos amis et nos collègues ou notre famille sur ordinateurs. Nous sommes privés de contacts tactiles physiques, réduits à nos seules ressources. La ressource est en nous.

Les personnes isolées qui ont un cercle amical solide résisteront mieux car elles ont l’habitude d’aller chercher les signes de reconnaissance dont elles ont besoin. Les familles peuvent en revanche s’y entraîner à cette occasion. Vous pouvez utiliser aussi une application comme TOOBEE où vous choisissez chaque jour les affirmations particulières destinées à vous soutenir le moral. J’ai choisi aujourd’hui : « J’apprends de chaque expérience ». J’ajoute « J’accueille avec gratitude les cadeaux de la vie ». Penser aussi à « Je prends soin de moi .».

La structure du groupe est importante : une personne seule n’est pas un groupe, un couple non plus, même si une certaine hiérarchie peut exister en fonction des cultures. Les femmes sont plus à l’aise en général dans l’espace de leur foyer. C’est leur domaine. Les hommes beaucoup moins. C’est le monde extérieur qui est à eux. Ils risquent de s’y sentir en prison. Bonne occasion de vivre ce que vivent beaucoup de femmes. Avec la découverte du confort que représente un appartement propre et bien rangé, ils ont l’occasion de se demander comment elles réalisent ce miracle !

Dans une famille plus grande il y a les adultes et les enfants. Qu’ils soient petits ou adolescents a son importance. Les besoins sont différents. Chacun doit donc pouvoir trouver sa place et le respect de ses besoins. Tous les états du moi seront mobilisés !

Les besoins de stimulations, de signes de reconnaissance et de position.
Avec l’épidémie, nous sommes soumis à rude épreuve. Le confinement limite au maximum les contacts physiques alors que nous en avons un grand besoin. Les stimulations sensorielles sont diverses, mais tout ce qui concerne le toucher entre humains est proscrit car c’est ainsi que le virus se transmet. Pour éviter de se contaminer , on ne s’embrasse plus, on ne se serre plus la main et la zone de proximité ne doit plus être inférieure à un mètre cinquante. Il nous reste la vue, les sons, l’odorat, le goût (qui peuvent cependant être altérés par la maladie) et le toucher des objets : peluches, doudoux, fourrures, vêtements en cachemire ou en mohair, couvertures toute douces. L’exception importante est la présence de nos animaux de compagnie qu’on peut caresser, qui sont chauds, vivants et qui savent montrer leur affection.

Restent les stimulations intellectuelles, la lecture, la radio, les discussions avec les proches ou avec les connaissances qu’on se fait sur les réseaux sociaux, les jeux de société. Les ressources des personnes seules sont limitées avec la rareté des contacts humains. Pour le coup la solidarité à l’égard des personnes bloquées chez elles va devoir se déployer.

Le risque avec les signes de reconnaissance que l’on nomme aussi « caresses » et qui sont des stimulations symboliques serait de les contingenter comme s’ils devaient manquer, comme les pâtes, le riz et le papier toilettes. Or la source en est infinie comme les moyens que se donnent actuellement les Etats pour sortir de la pandémie et ménager l’avenir. Claude Steiner nous l’a bien dit dans « Le conte chaud et doux des chaudoudoux ». 

Souhaitons que les femmes et les hommes découvrent l’usage intensif des chaudoudoux (conditionnels ou inconditionnels) et se détournent des froidpiquants ! Pour en recevoir, donnons-en, demandons-les et remercions pour ceux qu’on nous donne. Les grandes personnes ont bien besoin de réapprendre ce qu’elles pratiquaient dans leur enfance.
Quand ils sont inconditionnels ils ne doivent plus passer par les caresses physiques. C’est pour un temps seulement. Il passent par les mots comme ceux qui visent le comportement et qu’on nomme conditionnels. Profitons-en pour enrichir notre lexique de signes de reconnaissance. Faisons des concours comme on fait des concours de blagues !

Bien sûr il reste dans le secret des familles confinées les maltraitances envers les plus faibles, les colères, les coups. Le confinement aggrave ces comportements destructeurs et rend plus difficile d’apporter du secours. Et pourtant, il faut protéger les personnes fragilisées.

On accuse parfois les professionnels du bien-être et de la psychologie de développer un langage de bisousnours. Les analystes transactionnels savent bien que le mal existe, que la rage, la peur, le désespoir circulent et qu’ils font partie de notre humanité. Ils et elles veillent cependant à pacifier les relations et tentent le plus possible de se positionner par rapport à l’autre à égalité, dans une dynamique optimiste (position de vie ++).

Berne avec les positions de vie tripartites nous montre comment, dans ses discours et ses comportements, chacun se situe par rapport à l’autre et dans le même mouvement par rapport au monde. La position démocratique « Personne ne doit rester au bord du chemin » serait : MOI+, VOUS+, EUX+. 
La position cynique de quelques-uns disant : « De toute façon, des gens meurent tous les jours ; il n’y a rien à faire » serait MOI-, VOUS-, EUX-. 
Les mouvements de solidarité sont l’expression de nos valeurs.

La prochaine fois j’aborderai la communication officielle et j’analyserai une transaction proposée par une lectrice.
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