1. De la dépendance à l'autonomie au cours de nos apprentissages d'enfance

Cet article est le premier d’une série de trois, portant sur l’intégration consciente de nos traits de caractère, pour en tirer le maximum de bienfaits pour nous-mêmes et pour notre entourage.
 
Qu’en est-il de nos compétences naturelles ? Elles se construisent au fil de notre enfance, et nous les utilisons de manière plus ou moins appropriées au contexte, en fonction de notre faculté d’adaptation et de nos réponses au stress. Certaines de nos réactions aux situations que nous traversons, certains de nos comportements sont adaptés et d’autres non. Dans ce premier article, nous allons explorer comment se constituent les éléments de notre personnalité, au fil de nos apprentissages d’enfance.

Dans un deuxième article, nous regarderons en quoi ces étapes d’apprentissage constituent la structure de notre personnalité, ses bases, sous forme de ce que l’on nomme les huit structures de personnalité, avec chacune ses atouts et ses difficultés, ses qualités et ses défauts.

Dans un troisième article, nous explorerons comment connecter, utiliser au mieux et valoriser nos huit structures de personnalité, issues de nos apprentissages, en les transmutant en talents et compétences acquises, avec souplesse, joie et discernement.

Les notions qui sont abordées ici sont issues des enseignements de l’Analyse transactionnelle, de la Psychosocionomie, élaborée en particulier par Georges Escribano, psychanalyste et E-TSTA, professeur à l’École d’Analyse transactionnelle de Paris (EAT), et de la Process communication élaborée par Taibi Kahler, ancien collaborateur d’Éric Berne.

La construction de notre structure de personnalité au fil de nos apprentissages

« Chaque Moi porte en lui des personnalités virtuelles diverses qui s'actualisent selon les circonstances. »
Edgar Morin, Tweet du 29 septembre 2015
Chacun d’entre nous, sauf cas extrêmes dus à des traumatismes importants dans notre petite enfance, nous portons tous en nous plusieurs structures de personnalité, qui se sont construites au fil de nos apprentissages, de notre naissance jusqu’au stade de ce qu’on appelle le complexe œdipien, autour des 7 ans. Ces éléments de structure, de personnalité se constituent autour d’étapes, de passages à traverser, de montagnes plus ou moins difficiles à gravir, de prises de conscience.

3 passages, 3 prises de conscience
Notre développement se construit étapes par étapes, au fil de prises de conscience que nous intégrons au cours de nos expériences, de nos échanges, de nos confrontations avec l’environnement extérieur. 
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De la naissance au stade du miroir
Une fois que nous sommes nés, incarnés dans un monde complexe à comprendre pour survivre, nous sommes totalement dépendants de notre environnement extérieur. Ce sont nos parents, nos caregivers, selon l’expression de John Bowlby, qui nous maintiennent en vie en prenant soin de nous et en répondant du mieux possible à nos besoins de structure, de reconnaissance et de stimulation. Durant cette première période de vie, qui dure environ 6 à 12 mois, nous n’avons pas une conscience claire de nos limites et de notre corps. Nous avons une vision morcelée de notre environnement, et percevons, à travers nos cinq sens et notre intuition, des odeurs, des sons, des sensations, des goûts, des éclairs de vision, etc. Ainsi, de notre mère ou de la personne qui s’occupe de nous le plus souvent, nous percevons des sensations corporelles : un sein, des cheveux, un regard, une chaleur, une satisfaction gustative ou non, etc. Et comme nous n’avons pas une perception claire des limites de notre corps, tout est fusionnel : notre pied, le regard posé sur nous, la peau de notre mère, etc. Il n’y a pas de limite claire entre le monde extérieur et nous. C’est ce que les psychanalystes appellent la phase psychotique, -excusez ces termes abscons qui peuvent faire peur, mais cachent des réalités tout à fait naturelles et saines. Dans cette première phase, nous découvrons, nous incorporons l’univers de façon morcelée et nous ne savons pas faire la différence entre l’autre, l’environnement et nous. Tout est sujet à exploration.
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Lors de cette phase, nous vivons un univers morcelé, et sommes dans ce que l’on appelle une angoisse de morcellement, où la réalité n’existe pas vraiment pour nous, concentrés que nous sommes dans le maelstrom de sensations internes. Pour juguler cette angoisse de morcellement, d’éparpillement, à défaut d’intégration de notre schéma et de nos limites corporelles, nous avons besoin de structure, c'est-à-dire d’habitudes et de cadre routinier et sécurisant. 
Et pour passer à l’étape de développement suivante, nous avons besoin d’intégrer la notion d’espace, ce que l’on intègre en marchant à quatre pattes, et en se cognant aux objets, qui nous permettent de ressentir la notion de limite corporelle
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Du stade du miroir au stade du pot
Le stade du miroir est une nouvelle donnée, une prise de conscience qui révolutionne peu à peu notre vision du monde. Que se passe-t-il ? En nous voyant dans un miroir, nous intégrons peu à peu que nous avons un corps fini, et que nous sommes séparés de l’autre, de maman. Et là, si notre angoisse de morcellement s’atténue, puisque nous prenons conscience de notre corps, de notre enveloppe qui nous constitue et nous sépare du monde extérieur, une autre angoisse s’installe : si nous sommes séparés de maman, ou de notre care giver, si elle s’en va, que risque-t-il d’arriver ? Celle qui nous maintient en vie, qui s’occupe de nous, qui répond à tous nos besoins ou presque tous, si elle s’en va, nous sommes en danger de mort. Et donc, à l’angoisse de morcellement succède l’angoisse d’abandon.

Dans cette phase, que l’on appelle la phase des états limites, nous avons besoin d’acquérir la notion du temps, qui nous permettra de vaincre la peur de l’abandon. Si maman n’est pas là, présentement, elle peut revenir, (futur), car dans le passé, elle est partie et est revenue. Je prends conscience de la notion cyclique du temps, et je prends confiance en la présence future de maman, par l’expérience de la présence, de l’absence, de la présence, de l’absence, etc.

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C’est à cette époque que les enfants jouent à cache-cache, grattent les images sur les livres d’enfant, et intègrent peu à peu la notion d’absence et de présence future. Maman est partie, mais j’ai conscience et confiance qu’elle peut, qu’elle va revenir. Pour juguler l’angoisse d’abandon, l’enfant a besoin d’intégrer la notion de temps. Et en attendant d’avoir intégré la notion cyclique du temps, l’enfant s’accroche aux éléments matériels qui le sécurisent, car il ne sait pas de quoi demain sera fait : « je profite de tout ce qui me passe sous la main ».


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Et donc, on peut comprendre que pour l’enfant, tout est objet à absorber, à contrôler, à utiliser pour répondre à ses besoins. Et en matière de besoin, dans un environnement qu’il ne peut arriver à maîtriser et à contrôler, le regard que maman, -ou toute personne qui prend soin de lui- pose sur lui est essentiel : si elle lui sourit, si son regard sur lui est bienveillant, cela veut dire qu’elle l’aime et qu’elle va continuer à s’occuper de lui. Mais si son regard, sa voix ou son attitude sont hostiles, l’enfant ressent la peur d’être abandonné et donc d’être en danger de mort. Sa survie dépend du regard que l’on porte sur lui : il n’existe que dans le regard de l’autre. Et donc, son besoin de reconnaissance est essentiel. 
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Du stade du pot au stade œdipien
Une fois cet apprentissage intégré, une autre épreuve guette l’enfant : le stade du pot. Autour de l’âge de 2 ans, l’enfant est mis sur le pot pour qu’il fasse ses besoins, qu’il offre à ses parents le cadeau qui vient de son corps, le seul qu’il puisse matériellement, concrètement faire. Mais on l’oblige à faire ses besoins, en temps et en heure, pour faire plaisir à ses parents. C’est l’époque du non, de l’affirmation de soi face aux diktats de l’environnement, la phase d’apprentissage de la propreté et de la socialisation. Lors de cette étape, l’angoisse est celle que l’on appelle l’angoisse de castration, de coupure, d’exclusion. En effet, les Grecs l’avaient bien compris : le pire châtiment était le bannissement, l’exclusion du cadre civique et protecteur de la cité, qui équivalait à la mort, puisque chacun pouvait le tuer sans en subir les conséquences légales : « si tu n’obéis pas, si tu ne fais pas ce qu’on te dit, tu seras puni ». 
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En effet, les Grecs l’avaient bien compris : le pire châtiment était le bannissement, l’exclusion du cadre civique et protecteur de la cité, qui équivalait à la mort, puisque chacun pouvait le tuer sans en subir les conséquences légales : « si tu n’obéis pas, si tu ne fais pas ce qu’on te dit, tu seras puni ». 


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L’enfant, pour construire sa propre autonomie, la prise en compte et le respect de ses besoins et de son autonomie, a besoin, dans un premier temps, de se construire par opposition à une limite stable, une structure solide qui ne risque pas de s’écrouler dès que l’on s’appuie dessus, c'est-à-dire dès que l’on exerce une pression dessus. « Non, je ne veux pas mettre de pull ! », « Non, je ne veux pas mettre ce pantalon ! », « Non, c’est pas bon ! »
Sa compréhension du monde s’élargit, et sa curiosité, sa soif d’apprendre, de comprendre le monde s’accentue : « pourquoi ? Pourquoi la mer est bleue ? Pourquoi les oiseaux chantent ? Pourquoi tu fais comme ça ? » Dans cette phase, c’est le besoin de stimulation qui prédomine. 
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Et peu, à peu, avec la perception, la compréhension du monde et de sa complexité qui s’élargit, l’enfant apprend à composer avec la réalité, à accepter l’inévitabilité des contraintes et à développer sa créativité et son autonomie à l’intérieur de ces contraintes. 




Les 4 I de Carlo Moïso
Comme avait coutume de dire Carlo Moïso dans ses séminaires : les 4 I :
• L’inadéquation entre ce que l’on veut et ce que l’on obtient ;
• L’imprévisibilité des événements de la vie ;
• L’inéluctabilité de la mort ;
• L’injustice de ce que les autres reçoivent.
 
L’enfant apprend à développer ses propres estimations, ses propres critères, ses propres jugements, et apprend à les confronter à la vision de la réalité telle que les autres la perçoivent. Il apprend peu à peu, par essais et erreurs, que la réalité existe et que l’autre est comme lui, une personne à respecter, un sujet et non plus un objet. 
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Nous comprenons donc que nous sommes tous passés par ces trois étapes de l’apprentissage, qui se sont d’ailleurs plus ou moins bien passées, selon la qualité des échanges que nous avons eus avec notre environnement.
Nous verrons dans l’article suivant comment ces 3 étapes de développement se décomposent en huit structures de personnalité.

Tableau synthétique des stades de développement
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Marielle de Miribel, O-PTSTA, certifiée en Analyse transactionnelle
Didacticienne et superviseuse en contrat avec l’EATA, 
Psychosocionome
Formatrice en Process Communication.


Pour en savoir plus…

• Éric Berne, Que dites-vous après avoir dit bonjour ? Tchou, 2013.
• John Bowlby, Amour et rupture : les destins des liens affectifs, Albin Michel, 2014.
Comprendre la théorie de l’attachement 
• Jean-Jacques Crèvecœur, Les Enfants de l’autonomie : Aidez vos enfants à développer leur potentiel relationnel et émotionnel, Jouvence, 2000
• Georges Escribano, Analyse transactionnelle et psychologie clinique, Psicom, 2000.
• Thomas Gordon, Parents efficaces : Les règles d'or de la communication entre parents et enfants, Marabout, 2013
Les 4 I de Carlo Moïso
• Pamela Levin, Les Cycles de l'identité, InterÉditions, 1994.
• Marielle de Miribel, « Chapitre 12. Du stress aux talents selon les personnalités », in Diriger une bibliothèque : Un nouveau leadership, Éditions du Cercle de la Librairie, 2016.
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