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Tout est-il signe de reconnaissance ?

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Prenons cet exemple : « Patrick, j'apprécierais fortement que tu prennes bonne note immédiatement des messages que je te fais passer ». E. Berne définit les signes de reconnaissance comme  "tout acte qui implique la reconnaissance de la présence d'autrui"
Définition qui rejoint le « On ne peut pas ne pas communiquer » dans un cadre de référence systémique (P. Watzlawick).
Dès lors, il semble que tout stimulus humain (verbal et non verbal) et en particulier toute transaction doivent être considérés comme un signe de reconnaissance ou un échange de signes de reconnaissance. Lorsque je dis « Bonjour » ou « Passe-moi le sel », je reconnais l'existence de l'autre au même titre que si je lui dis « Tu as un beau sourire ». C'est si vrai que s'il m'arrive de tendre le bras pour prendre le sel resté aux côtés de mon voisin, il n'est pas rare qu'il me « réponde » : « tu aurais pu me demander », sous-entendu « j'existe ». Dans ce cas, il s'agira même d'une réponse à ma non demande, signe de reconnaissance inconditionnel négatif non verbal.
La difficulté vient, à mon sens, de ce que l'on pense les signes de reconnaissance à travers une grille de lecture conditionnel/inconditionnel, positif/négatif… à laquelle on rajoute des conditions (précis, contextualisé, argumenté…, plus d'autres pour déterminer s'ils sont en toc ou non), avec l'idée que si le stimulus n'est ni ceci ni cela, ce n'est pas un signe de reconnaissance. La question se pose tout particulièrement avec les signes de reconnaissance échangés dans le cadre des relations à faible intensité de la structuration du temps.
Ainsi le « Passe-moi le sel » semble indéniablement être un signe de reconnaissance même s'il n'est pas facile a priori de savoir quel est son type, tout comme l'exemple de Patrick.
Pour le savoir, il semble possible de partir de l'idée que, puisqu'un signe de reconnaissance reconnait l'autre, il est dès l'abord fondamentalement positif, et il le demeurera tant qu'il ne sera pas négatif, ou dit autrement : « tout ce qui n'est pas négatif est positif ». En effet, valider l'existence de l'autre est toujours positif, indépendamment de la valeur négative que l'on peut donner à cette existence. "Toto est stupide!" valide l'existence de Toto, à savoir "Il a de la valeur pour moi"… puisque j'en parle et que je prends de l'énergie et du temps pour en parler. Mais sa valeur est négative à mes yeux puisque je le qualifie de "stupide". Dans la même idée, X. qui n'est jamais cité n'existe donc pas. À ce titre, il ne peut même pas avoir une "valeur" positive ou négative ((Axel de Louise, Conférence)).
Dans ce cas, il est possible de considérer l'exemple de Patrick - comme l'histoire du sel - comme des signes de reconnaissance positifs puisque dans les deux cas je reconnais l'autre, ce qui est déjà significatif. Et dans les deux cas également, ce sont des signes de reconnaissance positifs conditionnels car ils sont relatifs à une circonstance : « tu es ok tant que tu prends des notes immédiatement », « tu es ok si tu me passes le sel ».
Au-delà des mots, il est cependant essentiel de prendre en compte le contexte dans lequel ils sont prononcés : si je demande le sel avec un ton plus qu'autoritaire, ou si je m'adresse à mon subordonné avec une particulière véhémence, il est fort probable que le message essentiel que je lui fais alors passer est que, quoiqu'il fasse, je le considère « négativement ».
Mais alors, si tout est signe de reconnaissance, quid des méconnaissances ??
Pour Terry Cooper et Taibi Kahler ((Une classification des caresses et des méconnaissances, Classiques AT, Vol. 1, p.100-101)) , certains signes de reconnaissance n'en sont pas, mais sont en réalité des méconnaissances. Or, il est essentiel de faire le distinguo, car si toutes les caresses, même négatives, sont nourrissantes, une méconnaissance, elle, est, selon eux, « destructrice ».
Je reprends leurs exemples :
« Évidemment je t'aime, j'aime tout le monde », ou « Tu as fait du bon travail, puisque tout le monde le dit » sont des méconnaissances.
Pour Stewart et Joines (Manuel d'Analyse Transactionnelle, InterEditions, p. 110) , seuls les signes de reconnaissance négatifs risquent d'être des méconnaissances :
Signe de reconnaissance négatif : « Tu as écris ce mot de travers ! »
Méconnaissance : « Je vois que tu ne sais pas épeler »
Terry Cooper et Taibi Kahler ne différencient pas entre types de signes de reconnaissance, un signe de reconnaissance positif peut aussi s'avérer être une méconnaissance (cf. exemples précités).
Une méconnaissance, c'est-à-dire la contamination de l'Adulte par le Parent et l'Enfant, se traduit par une sorte « d'erreur logique » entre deux propositions : si je t'aime c'est parce que j'aime tout le monde, si tu as fait du bon travail c'est parce que tout le monde le dit : pour un Adulte non contaminé, l'appréciation de tout le monde ne crée pas en soi la réalité d'un bon travail, d'un sentiment amoureux. Dans l'exemple de Stewart et Joines idem : je vois que tu ne sais pas épeler, parce que je vois que tu as écris ce mot de travers.
Carlo Moiso et Michele Novellino ((Retour aux Sources, Editions AT, p. 89)) définissent la méconnaissance : « comme un mécanisme interne par lequel le sujet agit à partir d'une minimisation ou une négation de quelque aspect de lui-même, des autres et de la réalité ».
La méconnaissance est bien un mécanisme intrapsychique et non la manifestation fonctionnelle elle-même: nous sommes donc toujours en présence de signes de reconnaissance, dont certains sont des signes de reconnaissance traduisant une méconnaissance.
Ainsi, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, s'il n'y avait… Richard Erskine et Ted Bruce !
Tous les deux ont signé un article sur les signes de reconnaissance contrefaits ((Les caresses contrefaites, Classiques AT, Vol.1, p. 110-111)) . Il s'agit de signes de reconnaissance que nous filtrons de deux façons soit en les inversant, soit en les « bricolant ».
Prenons le premier cas : on peut transformer une caresse positive en négative et vice-versa.
Exemple : « Tu as une jolie robe » → « Tu dis ça pour me faire plaisir »
Jusque là pas de problème ; il s'agit toujours de signes de reconnaissance.
En revanche, tel n'est pas le cas pour les caresses bricolées : « bricoler des caresses revient à transformer une information objective Adulte en un sentiment qui satisfait un besoin de caresses chez l'Enfant ». L'information peut être « bricolée » en positif ou en négatif.
Je reprends leurs exemples :
1- Thérapeute : « La semaine passée, j'ai reçu par la poste tes réponses au questionnaire du scénario »
Membre du groupe : « Merci, je suis content que vous ayez aimé ce que j'ai écrit »
2- Thérapeute : « Il est clair que tu as reçu cette injonction de ta mère »
Membre du groupe : « Bien sûr, ce n'est pas de ma faute »
Carlo Moiso et Michele Novellino ((Ibid, p.42)) reprennent l'idée telle quelle : « Ton rapport est insuffisant » → « Tu me traites toujours mal ».
… Il y aurait donc, à côté des signes de reconnaissance, des transactions qui sont de pures informations ?
Pour ma part, il me semble qu'une information n'en reste pas moins un signe de reconnaissance, positif ou négatif selon le contenu et le contexte. En effet, un accusé de réception par exemple, aussi neutre soit-il, est une réponse à un envoi : que se serait-il passé si le thérapeute n'avait pas informé son patient de la réception des réponses ? Idem pour l'exemple 2, il est clair que par cette phrase il reconnaît la présence de son client. Les deux exemples sont des signes de reconnaissance positifs (tout ce qui n'est pas négatif est positif) conditionnels (relatifs à l'envoi des réponses au questionnaire ou à la relation thérapeute-patient). Quant au rapport insuffisant, même si c'est objectivement le cas (mais l'objectivité existe-elle ?), ce n'en est pas moins une critique - fondée ou non - du travail rendu : un signe de reconnaissance conditionnel négatif.
En revanche, on sent bien une sorte de décalage entre les signes de reconnaissance du message Adulte et du message émanant de l'Enfant : il y a bien « quelque chose » qui se passe. Mais quid si ce n'est pas la transformation d'une information en signe de reconnaissance, puisque c'est d'ores et déjà un signe de reconnaissance ?
Je trouve une ressemblance entre cette contrefaçon et le parasitage ou racket de F. English. Le «bricoleur» tire de l'émetteur un signe de reconnaissance qu'il ne lui a pas donné, et plus spécifiquement une intensité de signe de reconnaissance différente de celle voulue par l'émetteur. C'est comme si le «bricoleur» faisait un « saut » dans la structuration du temps : l'émetteur se trouve dans l'activité, le bricoleur saute dans les jeux ou l'intimité.
Mais en tout état de cause, encore et toujours des signes de reconnaissance…
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